Les indispensables travailleurs étrangers
Le sujet du programme des travailleurs étrangers temporaires plane dans l’air en ce moment. Ce programme, que l’on qualifie de temporaire, est toutefois loin de l’être en pratique. Des travailleurs reviennent souvent année après année, dans les mêmes entreprises agricoles; ils font partie d’équipes de travail organisées, on leur attribue des responsabilités, ils développent des aptitudes spécialisées, une expertise… bref, on compte sur eux. En 2021, on parlait d’au moins 18 000 personnes venues travailler dans le secteur agricole au Québec, dont la majorité travaillait dans la production de légumes, mais aussi en serres, en pépinières, en floriculture et en production fruitière.
Les producteurs sont clairs : « Il n’y a pas de main-d'œuvre spécialisée disponible ici, et ce, peu importe le salaire offert. » – Vigneron des Cantons-de-l’Est
Un processus compliqué
Les agriculteurs se retrouvent coincés; ils doivent trouver des paires de bras pour venir les aider. C’est là que le programme des travailleurs étrangers temporaires entre en scène. On me décrit tout de suite « le fouillis bureaucratique » que ça implique de faire une telle demande : attente interminable, lourdeur des démarches administratives, dossiers refusés après des mois d’attente…
« En tant que producteur, c’est extrêmement lourd comme processus. J’ai perdu des heures de travail à m’occuper de ce dossier alors que je devais travailler sur ma planification de cultures et on a finalement refusé ma demande en juillet, après 8 mois d’attente. Ma saison a été très difficile, ça a été un vrai calvaire. » – Producteur maraîcher de la Montérégie.
Un manque de compréhension de notre profession?
Le pire dans tout ça, c'est que tout ce travail est à refaire chaque année. Les conséquences d’une telle complexité du programme sont réelles, on me nomme des retards dans les dates de plantation, des pertes financières de plusieurs milliers de dollars, de l’épuisement et surtout, un sentiment que notre travail n’est pas considéré comme important.
Ce que je retiens de ces histoires, c’est un manque de sensibilité pour la réalité agricole. Notre secteur comporte une condition qui se doit d’être comprise par les instances gouvernementales : le manque de temps. Il y a une saisonnalité, une temporalité, qui est inextricable au monde agricole. Particulièrement quand on pense au secteur maraîcher, pour lequel le fait de repousser l’arrivée d’un employé de quelques semaines seulement a des conséquences tragiques pour la saison de production. La fenêtre de production pour de nombreux agriculteurs est très mince au Québec et cela doit être compris par les instances publiques pour que l’on arrive à atteindre nos objectifs de production.
La question est simple : est-ce vraiment d’en demander trop que d’espérer un allègement bureaucratique pour le secteur agricole au sein des instances publiques? Et si l’on considérait donner la vie plus facile aux gens qui se cassent le dos pour nous nourrir? Je lance la question dans l’air… en espérant qu’elle se rende jusqu’aux bureaux bien climatisés des personnes qui gèrent ces programmes…
Sources: https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/220613/dq220613d-fra.htm